Durant nos travaux, nous avons entendu des propos puissants, forts et documentés, fournis par les abusés de plusieurs pays et étayés par l’analyse des experts, à commencer par Keith Porteous Wood. Il est difficile de ne pas éprouver plusieurs sentiments contradictoires à leur écoute : tout d’abord, l’effroi devant l’ampleur des crimes commis, que l’on connaît, mais qui n’en finit pas de vous saisir ; ensuite bien sûr la colère face à la cruauté et à l’impunité des uns, et à la lâcheté des autres ; et enfin, un mélange d’admiration et de détermination devant l’œuvre extraordinaire de celles et ceux, Abusés en tête, qui se sont levés et qui ont dit Non.
Partout dans le monde, des gens d’horizons sociaux et philosophiques très divers, qui ne se connaissaient souvent pas, ont commencé à demander le respect du Droit. Parfois seuls, parfois dans des Collectifs, et avec des moyens très différents. Ces actions n’étaient pas synchronisées, elles n’étaient pas coordonnées, elles ont été reçues très différemment. Mais ensemble, en quelques années, parce qu’elles étaient justes et parce qu’elles étaient claires, ces revendications ont réussi à faire vaciller un monstre : l’Église catholique, apostolique et romaine, qui traverse aujourd’hui une des plus graves crises de son histoire, peut-être la plus grave.
Cela a été rendu possible par la grande cohérence et l’universalisme des revendications portées séparément par les plaignants : il s’agit tout bonnement d’exiger le respect de leur condition de citoyens, bafouée par l’Église. L’Église voudrait décider du nombre et du périmètre des instances de réparation ; décider des montants ; décider des sanctions ; décider de les rendre publiques ou non ; même quand il se trouve un bureaucrate clérical pour prôner la tolérance zéro, il entend le faire au nom de l’Évangile. A aucun moment l’Église, même ses secteurs supposément les plus compréhensifs, n’est prête à accepter de se plier à la loi humaine. Le Droit canon doit primer sur la loi, pourtant censée être l’expression de la volonté générale.
Voilà pourquoi toutes les organisations du Mouvement démocratique et républicain doivent venir en appui aux abusés : le combat des abusés est le combat de ceux qui refusent que la Loi humaine soit subordonnée au Droit canon. Et en raison de cela, c’est aussi le combat pour la Séparation des Églises et de l’État.
Ce combat est nécessairement international, internationaliste et universaliste : car ce qui est nié par l’Église dite universelle, c’est l’essence des Droits de l’Homme et du Citoyen. Voilà notre cause universelle, et elle est d’une toute autre teneur que celle des théologiens du Vatican ! Le respect des Droits de l’Homme, des Droits de l’Humanité, ce qui n’a rien à voir avec les « vérités universelles » de pseudo-évangiles qui ont été trafiqués sans cesse au fil des siècles.
Et parce que cette cause des abusés est universelle, au moment de nous lever pour applaudir nos invités, je vous invite à adresser notre salut et notre soutien aux femmes qui se dressent contre l’Église catholique en Irlande et qui sont en grève de la faim pour exiger le respect de leurs droits et des engagements de réparation pris par les prélats. Force à elles !
Pierre-Yves Modicom, Secrétaire général-adjoint de la Libre Pensée
et membre du Conseil international de l’Association internationale de la Libre Pensée

